Pages

samedi 18 mai 2019

VALERIE RABAULT (PS) SOUTIENT L'HUMA MAIS LIT LE FIGARO

Valérie Rabault incarne, pour la gauche de la gauche, la figure du socialiste de théâtre, qui a choisi le camp moral pour assouvir ses ambitions politiques mais reste fidèle en dernier ressort à sa vraie famille, celle de la finance et du capital. 




En 2016, un article d'Alexandre Aziny, membre des Économistes Atterrés, publié par le site de Médiapart sous le titre éloquent "Les tartuffes socialistes" ne faisait pas dans la dentelle : "La banquière Valérie Rabault, déguisée en socialiste" y était comparée à Macron, tant pour sa carrière à BNP Paribas que pour ses revenus (490 621 € en 2011) ... Étrangement, cet article à la dynamite n'est plus disponible chez Médiapart mais on peut en trouver archive dans de nombreux sites dont celui de la Vie de la Brochure

Fin 2011, abandonnant ses lucratives activités londoniennes  pour s'adonner à la politique solidaire et sociale, elle n'oublie pas de créer, avec son inséparable amie Karine Berger, une société de "conseils pour les affaires", sorte d'airbag destiné à amortir une chute (éventuelle) aux législatives 2012. Mais Valérie Rabault a triomphé. 

Le journal l'Obs évoque cette société de conseils à deux reprises, en 2013 et 2014. Une catégorie d'entreprises qu'elle juge pourtant (comme économiste socialiste) avec la plus grande sévérité* : "Les cabinets de conseil vont tuer l'innovation", "Ils fournissent moyennant des rémunérations considérables des stratégies prêtes à l'emploi" ou encore "Les cabinets de conseil ne peuvent fournir, par définition, que des stratégies de follower (NDLR : suiveur)". Embrasser en privé une activité que l'on dénonce en public, un véritable tour de force éthique !

On retiendra aussi que, malgré des résultats économiques (et partant électoraux) pathétiques, les socialistes sont prêts, à titre privé, à mettre toutes leurs "compétences" au service du monde des "affaires"...  

Forte de ce parcours au service de la finance no border, Valérie Rabault ne fait évidemment pas l'unanimité de la gauche laborieuse. Et c'est sans doute pour contrebalancer cette image assez peu prolo-compatible qu'elle multiplie les marques de sympathie à l'endroit du parti des travailleurs, le PCF : elle n'a pas ménagé son soutien au journal l'Huma, en faillite, et pas plus à Thomas Portes, figure de proue du PC en Tarn-et-Garonne, dans une affaire de diffamation. Mais quand il s'agit d'exhiber quelques critiques (relativement) rassurantes, c'est bien le Figaro que brandit Mme Rabault :




Il est d'ailleurs prudent pour les communistes à l'âme sensible de se tenir éloignés des bouquins de Valérie Rabault. Dans la France contre-attaque, elle dénonce l'égalitarisme cubain si cher à Thomas Portes ("Le problème c'est qu'à Cuba, il existe un seul salaire pour tous, de l'ordre de 10 dollars par mois" page 126) et la déroute économique vénézuélienne ( "liée à des problèmes démocratiques" page 127). 

Aujourd'hui, la banquière Rabault s'oppose avec tapage à la "privatisation" du groupe Aéroports de Paris (ADP) par E. Macron. Nous écrivons privatisation avec des guillemets car ADP appartient déjà à des investisseurs privés à hauteur de presque 50 % (et les fameux bénéfices sont notamment réalisés dans la construction et la gestion d'aéroports étrangers). 

Or, en 2013, alors qu'elle était vice-présidente PS de la Commission des finances, la participation de l'Etat dans ADP a fondu de 60 à 50%. Oui, ce sont bien ses amis PS Hollande, Moscovici et Ayrault qui ont cédé au "privé" cette copieuse brassée de bijoux de famille, pour 738 millions d'€, rapprochant dangereusement le groupe des mâchoires de l'actionnariat turbo-capitaliste. Mais aucune comparaison possible car, comme le confirmait à l'époque M. Moscovici, amateur de farces et attrapes, "ce n'est pas le retour des privatisations mais une gestion fine du capital de l'Etat"... 

Résumons : pour Valérie Rabault, les privatisations sont des offrandes au grand capital sauf si elles sont initiées par les socialistes, pour le bien commun et... la gestion fine. Tout comme les sociétés de conseils "pour les affaires", qui sont nuisibles "par définition", tout l'inverse de celle de Mme Rabault. Et ne parlons pas de la "tyrannie des dividendes" et des "actionnaires rendus littéralement fous" par la cupidité, sommets de son prêche politique (p 164 et suivantes de la France contre-attaque) dont le manager market prospective & business risk Valérie Rabault, qui a passé presque une décennie dans cet enfer, semble s'être tirée parfaitement indemne... contrairement à son discours.





* Source citations Valérie Rabault : La France contre-attaque - Odile Jacob - 2013 - Karine Berger et Valérie Rabault
** Autre article décapant de l'économiste F. Lordon in Monde Diplomatique : La régulation bancaire au pistolet à bouchon